«Les troubles de l’équilibre sont les
symptômes révélateurs d’un défaut de fonctionnement de l’équilibration, qui
regroupe un ensemble de systèmes complexes qu’il faut prendre le temps
d’examiner», rappelle le Pr André Chays, du service ORL du CHU de Reims. Pour
se maintenir en équilibre, le corps ajuste en effet en permanence sa position
grâce aux informations fournies simultanément par les yeux, les oreilles,
la peau, les tendons, les muscles et le cerveau. Si l’un des éléments de ce
système complexe de stimulation, d’analyse et de correction fait défaut,
l’équilibration n’est plus aussi bien assurée: instabilité et vertiges peuvent
apparaître, provoquant parfois la chute.
Avec l’âge, chacun des éléments du système peut être affecté, expliquant
l’augmentation actuelle des troubles de
l’équilibre, en lien avec le vieillissement de la population.
Ne pas confondre vertiges et malaise
Si
l’instabilité liée à l’âge apparaît progressivement, les vertiges peuvent apparaître plus brutalement et sont
parfois même traités en urgence. Ils ne doivent pas être confondus avec un
malaise: le vertige se caractérise par la sensation que l’environnement - le
sol, le plafond, les objets - se déplace autour de soi ou que son propre corps
se déplace dans l’espace - en tournant, en se balançant ou en chutant.
Les grands vertiges qui provoquent nausées,
vomissements et une incapacité à rester debout doivent être pris en charge dans
la journée, chez l’ORL ou aux urgences, en particulier s’ils s’accompagnent
d’une perte d’audition.
Tout véritable vertige, même s’il n’a pas duré, justifie une
consultation pour en identifier la cause, de même qu’une instabilité croissante
qui pousse à se tenir aux meubles, à éviter les escaliers et à se priver de
certaines activités par crainte d’une chute. Le médecin devra faire un examen
complet pour éliminer une éventuelle cause cardio-vasculaire ou neurologique de
ces déséquilibres, urgente ou non: diabète,
hypertension,
anémie,
troubles du rythme, incidents neuro-vasculaires, effets indésirables de
certains traitements ou encore troubles psychiques. Si aucune de ces pistes ne
peut être évoquée, le médecin pourra orienter son diagnostic vers une origine
périphérique des troubles de l’équilibre.
«L’interrogatoire et l’examen clinique visent
à identifier quel élément du trépied œil-oreilles-proprioception est en défaut
et de quel côté», explique le Pr Valérie Franco-Vidal, du service ORL du CHU de
Bordeaux. Un interrogatoire très précis permet alors de préciser les
circonstances des troubles de l’équilibre: s’agit-il d’une crise de vertige
unique, combien de temps a-t-elle duré, à quel moment s’est-elle produite? Le
médecin s’intéressera aussi aux signes qui ont pu l’accompagner: perte
d’audition, acouphènes,
sensation d’oreille pleine, écoulement de pus… Associé à un examen de la
marche, des yeux et des oreilles, il permet d’établir un diagnostic dans plus
de 80% des cas. Le généraliste pourra alors diriger le patient vers un
kinésithérapeute ou vers un ORL si des examens complémentaires sont
nécessaires.
D’où viennent les vertiges?
Si les
spécialistes qualifient parfois de «policier» l’interrogatoire proposé à un
patient vertigineux, c’est aussi que la recherche des causes du vertige tient
de l’enquête policière où trois coupables peuvent être responsables, seul ou à
plusieurs. Les yeux et les oreilles fournissent des indices visuels et auditifs
sur l’environnement pour éviter ou dominer les obstacles. La partie interne de
l’oreille fournit des indices sur l’orientation du corps dans l’espace et sur
ses changements de position. Les muscles et les tendons apportent des
informations sur l’inclinaison et la texture du sol ainsi que sur la position
des membres à chaque instant.
Lorsque
certains de ces indices manquent, le système entier se déséquilibre et fournit
une analyse incomplète, responsable de la confusion du système d’équilibration.
Si l’interrogatoire ne suffit pas, les spécialistes disposent désormais de
nombreux outils, en particulier la vidéonystagmographie, qui permettent
d’analyser ces conflits et de repérer la zone qui ne fournit plus les
informations nécessaires. «IRM et scanner peuvent aider à localiser le problème
mais le protocole d’imagerie doit être précis ou confié à une équipe
spécialisée pour éviter des examens coûteux et inutiles lorsqu’ils n’apportent
pas les réponses attendues», insiste le Pr Chays.
S’il est
possible d’identifier le système qui fait défaut dans la très grande majorité
des vertiges, il n’est pas toujours possible de préciser la localisation exacte
du problème ni de comprendre pourquoi il est apparu. Face au vieillissement,
c’est parfois l’ensemble du système d’équilibration qui a perdu de son
efficacité. Même si un traitement spécifique n’est pas disponible, chaque
patient peut reprogrammer ce système complexe en améliorant, par des gestes et
des pratiques régulières, les informations fournies par ce qui fonctionne pour
retrouver, en quelques semaines, un équilibre satisfaisant.
Les vertiges peuvent venir de malformations ou de
déformations
L’exploration
permet également de retrouver des malformations ou des déformations du complexe
vestibulaire qui peuvent être corrigées par la chirurgie. «Le syndrome de
Minor, découvert à la fin des années 1990, peut désormais être traité par une
intervention de chirurgie mini-invasive ciblée, indique le Pr Lavieille.
L’imagerie permet de visualiser certaines malformations du canal
semi-circulaire supérieur et de corriger également les fistules
péri-lymphatiques.»
Des
traumatismes parfois anciens, comme la compression des nerfs auditifs et
vestibulaires par des artères qui, au bout de quelques années, perturbent le
bon fonctionnement de l’oreille, peuvent ainsi être retrouvés et traités par
chirurgie. Dans tous les cas, qu’un traitement ait pu être mis en place ou
qu’il ait été impossible d’identifier spécifiquement la cause d’un vertige ou
d’une instabilité chronique, une reprogrammation des systèmes d’équilibration
sera nécessaire pour que le cerveau apprenne à gérer les circuits modifiés par
la maladie. Un traitement de fond anti-vertigineux est parfois prescrit au long
cours lorsque la rééducation est impossible.
Traiter l’urgence, mais aussi le long cours
«On finit
toujours par arrêter un grand vertige rotatoire», rassure le Pr Valérie
Franco-Vidal, du service d’oto-rhino-laryngologie (ORL) du CHU de Bordeaux. Ces
vertiges pris en charge aux urgences nécessitent parfois d’appliquer un
traitement purement symptomatique avant même d’en chercher la cause pour les
patients qui ne tiennent pas debout et ne pourraient pas supporter les examens
liés à l’équilibre. Les vomissements rendent inutile tout traitement par voie
orale et le traitement - anti-vertigineux, sédatif et/ou antiémétique - est
alors administré par voie intraveineuse pour calmer la crise.
Une fois que
la crise est passée, l’exploration est en général confiée à un ORL car toutes
les informations liées à l’équilibre finissent ou démarrent dans le vestibule.
«On ne peut pas ouvrir le labyrinthe pour l’observer directement, il serait
irrémédiablement détruit», explique le Pr Jean-Pierre Lavieille, chef de
service ORL et chirurgie cervico-faciale de l’hôpital de la Conception, à
Marseille. «Nous disposons cependant désormais de nombreux outils d’exploration
fonctionnelle et anatomique pour identifier l’origine et la localisation du
vertige.»
Il faut
parfois plusieurs semaines pour explorer tous les recoins de l’oreille et du
tronc cérébral où aboutissent les nerfs auditifs afin d’identifier non
seulement la zone touchée mais également le mécanisme impliqué. Dans certains
cas, le défaut d’équilibration répondra ainsi à un traitement
anti-inflammatoire, anti-infectieux, à une régulation de l’osmose interne… Dans
d’autres, des solutions différentes seront mises en œuvre.
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